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Musique: différenciation entre « Hit » et « Classique » pour les nuls

Évoquons dans cette Art-nalyse un constat vieux de dizaines d’années fait par de nombreux consommateurs de musique au niveau du marché ayitien. Il concerne le fait que les Classiques sont devenus extrêmement rares dans les propositions musicales ayitiennes de tout horizon, de toute tendance. Le terme Classique ici n’est pas une référence au type de musique que produisaient Mozart et Beethoven. Des Classiques il en existe dans tous les types d’Art, mais soulignons qu’on est dans un contexte musical. Le mot Classique renvoie plutôt à une œuvre à fort impact esthétique qui entre dans les annales de l’histoire musicale, une œuvre qui s’est imposée comme élément de culture générale, une œuvre tellement puissante sur le plan artistique que le consommateur assidu n’a presque pas le droit de ne pas la connaître. Parce que cela permettra aux gens d’avoir une idée de l’étendue de sa culture générale, on dira de lui qu’il connait ses classiques.

C’est bien ce genre d’œuvre que nos artistes ne produisent pratiquement plus. Bien entendu, c’est le temps qui peut prioritairement révéler quelle œuvre musicale est un classique et quelle autre ne l’est pas. Il y a ces derniers jours de très bons morceaux de musique qui sortent, néanmoins ils n’affichent pas les caractéristiques de classique. La question à un million de dollars maintenant : quand est-ce qu’un morceau de musique atteint le stade de classique ? Quelles en sont les caractéristiques propres ? Essayons d’avancer quelques éléments de réponse. Un morceau de musique entre dans la catégorie de classique, lorsque qu’il traverse le temps et ne voit pas sa charge de pertinence altérée. Quel que soit l’âge ou l’origine sociale de l’auditeur ou consommateur qui l’écoute il s’y retrouve d’emblée, ceci peu importe l’époque, il suffit qu’il comprenne, un tant soit peu, ce qui y est exprimé. L’approche suivant laquelle une thématique est traitée dans un morceau susceptible de devenir un classique doit être universelle et intemporelle.

L’amalgame qui est monnaie courante à ce niveau concerne le Hit vs le Classique. Ils sont loin d’être de la même came. Un classique est probablement passé par le stade de Hit, mais ce dernier ne devient forcément un classique à force de diffusion. À l’analyse, la différence est simple, le Hit a une durée et un impact déterminés dans le temps et dans l’espace. Le hit de Septembre peut déjà ne plus l’être en Décembre, une chanson Hit à Port-au-Prince ne l’est pas tout naturellement au Cap-Haïtien et vice versa. Alors que le Classique quand il s’installe comme tel, il brise toutes les contraintes spatio-temporelles pour s’inscrire dans une dimension patrimoniale, universelle ou quasi-universelle.

Faisons un exercice simple qui va nous permettre de repérer les classiques dans la discographie générale ayitienne. J’écris les noms de plusieurs artistes solo et groupes musicaux, si à la lecture de ces noms une chanson qui vous aura jamais marqué ne vous vient pas en tête c’est la preuve que ce groupe ou artiste solo n’a pas vraiment de classique dans son répertoire : Tropicana, System band, Sweet Micky, Rodrigue Millien, Barikad Crew, Nu-look, Boukman eksperyans, Djakout#1 Lyonel Benjamin, Roody Roodboy. J’espère que c’est pas plus mal pour ces derniers.

Pour mieux illustrer, prenons l’exemple de l’album “Goumen pou sa w kwè” de Barikad Crew sorti entre 2007 et 2008. De cette année à date il y a des centaines de bons sons qui sont sortis, même ceux sortis le mois dernier si ce ne sont pas des classiques immédiats, ils ne sauraient avoir plus d’effet sur l’esprit du consommateur de musique Rap que des sons comme “Pa koupe Bwa” ou “Jwi lavi” de BC. La rareté de plus en plus prononcée des œuvres à dimension de classique s’explique par la mentalité de “Machann pate kòde” qu’accusent nombre de nos créateurs. Ils ne veulent produire que pour rester présents dans les oreilles des amateurs. Ils ne produisent que pour vendre vite et beaucoup, or quand les oreilles sont fatiguées elles passent à autre chose et l’œuvre en question perd tout son interêt. C’est, en grande partie, ce qui résume le cycle de vie d’un Hit tandis que le classique va beaucoup plus loin que les oreilles, il cherche à s’installer au bon endroit : l’âme, là où il ne sera jamais atteint ni par la grisaille, ni par l’usure du temps.

Tom Kensley Marcel

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